mercredi 2 juillet 2008

BSA, 29 juin : ma plongée à la Tannerie

Ce matin j'avais prévu un timing serré pour pouvoir faire "ma" plongée à la Tannerie. Pour être sorti vers 11h-11h30, heure prévue pour attaquer le nettoyage des Gouls, j'avais calculé de me lever à 7h30 pour déjeuner rapidement, plier la caravane, régler mon dû au camping et le quitter vers 8h15 au plus tard. En fait j'ai ouvert les yeux vers 5h30, sans réussir à retrouver le sommeil... Qu'importe, ça me donne l'occasion de saluer Josée, Laurent, Jean-Pierre et Bruno qui partent de bonne heure pour la réunion de la CNPS à Marseille. Je suis mon programme et à 8h05 je suis devant la réception... fermée :o( La gérante arrive, plutôt ronchonne, en me disant que normalement ce n'est pas avant 8h30. J'ai pris les horaires d'ouverture affichés en évidence, au lieu de ceux du bureau qu'il faut chercher dans un fatras d'affiches. Finalement elle ouvre quand même, je paie et dis au revoir aux moustiques !

Arrivé sur site je n'ai que peu de retard, mais je vais vite réaliser que j'ai vu un peu court en comptant être prêt en 3/4 d'heure : entre la préparation du matériel (toujours un détail oublié à régler) et les 3 portages de ma voiture (j'ai quand même préféré me garer en retrait vers le viaduc) à la vasque, je ne m'avance pas. Je suis enfin à pied d'oeuvre. Mes 2 relais 9 litres sont dans l'eau et je peux m'équiper à l'ombre encore rare. C'est un plaisir qui n'est pas donné à tous de pouvoir, par grande chaleur, enfiler une sous-combinaison en polaire et des chaussettes de montagne. Pouvoir enfin envelopper le tout dans une combinaison étanche devrait me permettre d'atteindre le Nirvana. Ben non. J'ai oublié à la voiture ma sangle avec le crochet qui va bien pour pouvoir fermer seul ma combinaison de sudation. Heureusement j'ai, autour des bottes, des sangles velcro pour suspendre ma combinaison. J'en passe une dans la tirette de la fermeture, et m'agenouille pour la coincer dans le crochet d'une des barrières encore en place. J'ai déjà chaud. Je pivote les épaules et... scratch ! le velcro lâche ! Deuxième essai, même punition. Je sens venir le mauvais plan. Le troisième sera heureusement le bon, et je cours me jeter à l'eau pour faire tomber la température. Une fois fait je retourne enfiler le bi 10 - aimablement prêté par mon ami Stéphane - et tous les accessoires habituels.
Retour dans la vasque pour accrocher en ventral les relais. Je dispose commodément les tuyaux et le petit matériel, teste mes quatre détendeurs ainsi que les lampes. Les blocs ont refroidi et je contrôle mes pressions de départ : le bi 10 est à 210 bars, les relais 9 sont à 180. Classiquement j'opte pour une règle des quarts sur le dorsal (arrondi sécuritairement à 160), et une règle des tiers sur les relais soit 120 b. Tout est ok et je pars.

Tout de suite bien se stabiliser pour minimiser l'effort, et vérifier que rien ne traîne qui risquerait de s'accrocher. Comme souvent dans cette galerie qui s'y prète bien, je me tracte avec les mains presqu'autant que je palme. Le début de la galerie, sans être véritablement étroit, est cependant bas de plafond et mes protections de robinetterie raclent parfois la roche. J'arrive tranquillement au canyon - un peu d'espace - et vise l'étroiture au fond. Des deux mains j'écarte les relais pour les mettre dans le plan du corps et me faire le plus plat possible. En deux coups de palmes je suis passé et reprend ma progression. Petit à petit la galerie devient globalement plus haute. Je suis la cablette jusqu'à 200 m, où un fil prend le relai. A 250 m je jette un oeil au départ de la galerie latérale, mais choisis de rester dans la principale. Le fond monte légèrement, avant de redescendre vers la jonction des 400 m. Un regard en arrière pour regarder le fil de la galerie secondaire qui s'arrête non loin du principal, une vérification des manomètres, et je continue. J'arrive enfin au sommet d'un petit puits qui constitue la limite de ce que j'avais déjà fait dans cette cavité. Ce qui suit est connu depuis longtemps, mais ce n'en est pas moins "mon" inconnu. J'arrive sur les tiers de mes relais, mais le plafond est bas, rendant malcommode un changement. Je me laisse couler lentement dans le puits. J'adore quand la roche défile ainsi,me sentant comme un parachutiste au ralenti. Le fond est à 8 m et je choisi un endroit pratique pour déposer mes blocs. Je commence par purger ma wing pour ne pas décoller une fois allégé, et accroche successivement les deux 9 litres sur le fil. Je ferme les robinets par sécurité, et teste à nouveau les deux détendeurs de mon dorsal. C'est reparti.
Dix mètres plus loin j'arrive sur une grosse plaquettes signalant les 500 m, estampillée "CRPS RABA" car c'est notre commission qui a rééquipée cette partie. 500 m : je ne me suis jamais senti si près du puits terminal qui me fait rêver depuis longtemps. Le boyau est confortable, rassurant dans son évidence. Je suis parfaitement serein, juste un peu excité par la proximité du but. Je viens de passer les 600 et je me sens comme un enfant quand approche le moment de pouvoir déballer ses cadeaux. Je suis à la fois impatient, et pourtant je me retient d'accélérer pour faire durer le plaisir. Des préliminaires en somme ! De plus la dernière chose à risquer si loin de l'air libre est bien un essoufflement. J'aperçois en plafond, flottant plaquées à la roche, des plaques de polystyrène qui ont dû équilibrer des relais avant d'être sacrifiées. Cela me fait évidemment penser à Thaïs qui a eu sa dose de flotteurs oubliés. Enfin il est là, je le reconnais. Je ne vois pas encore le puits lui-même, mais son bord à droite de la galerie qui se termine m'est tellement connu par les photos, ou les vidéos faites par Xavier...
Je m'approche, ému et exalté. Il plonge, d'autant plus vertigineux après cette longue progression quasi horizontale. Il est nettement plus large que celui du Goul du Pont et, dans l'eau cristalline, mon regard plonge profondément. Le fil laisse la place à une corde d'escalade solidement amarrée. Vais-je le descendre en rappel ? J'ai parfaitement ajusté ma stabilisation avant de me positionner au-dessus. Je suis à 190 bars et je n'hésite pas longtemps avant de me laisser glisser précautionneusement, en feuille morte, face à la corde. Je ressens l'impérieuse nécessité de contrôler la vitesse, de ne pas me laisser happer par l'ombre, de garder le contrôle. Je tourne sur moi-même, observe la forme du puits, son ouverture qui disparaît. Vers 25 m la verticalité s'accentue à nouveau, formant une belle marche d'environ 15 m. Mon éclairage Bubble Daylight fixé au bras éclaire le fond qui pourrait sembler tout proche. Je me suis fixé 35 m comme limite. Un ressaut rocheux me convainc de m'autoriser un léger dépassement de confort : je me pose en douceur pour observer tout à mon aise. Je suis à 39 m et la corde se termine en faisant plusieurs boucles dans un anneau naturel. Une cablette la relaye vers des profondeurs que je m'interdis à l'air dans ce contexte. J'éclaire la suite 4-5 m plus bas, la galerie repart plus horizontale sur ma droite. Que j'aimerais voir la suite. Je me promets à cet instant de revenir avec les gaz adéquats.
Mon ordinateur ne réclame encore aucun palier, m'accordant même 9' sans déco à cette profondeur. Mais d'autres paramètres sont à prendre en compte et j'amorce la remontée. Je me guide parfois sur la corde, deux doigts l'entourant sans la serrer. Bien m'en a pris, car je trouve que ma remontée s'accélère plus que je ne le voudrais. Je réalise que j'ai laissé fermée la valve de surpression de mon étanche et plaque ma main dessus pour purger. La proximité de la paroi me permet de me ralentir de l'autre main sur la roche. J'arrête un instant ma remontée, règle ma purge et reprends ma progression. Rien d'affolant, mais je m'en veux tout de même de cette erreur stupide. J'atteins le sommet du puits en m'amusant à simuler une escalade du bout des doigts. Spiderman n'a qu'à bien se tenir. Cela fait 55' que je suis en plongée. Nouveau contrôle des manos avant de ré-attaquer la longue galerie horizontale : 160 et 170 bars, soit mes quarts. Je suis donc largement dans la sécurité, et entreprends tranquillement le retour. Sur mon nuage je regarde défiler les étiquettes, chacune me rapprochant de la sortie et augmentant ma marge de sécurité. Je prends donc mon temps, prolongeant mon plaisir et la quiétude que procure ce type de plongée. L'étiquette des 500 m'annonce mes relais, qui reprennent vite leur place. Je les rouvre mais choisis de rester sur mon dorsal pour le confort de ses détendeurs. Vers 400 m une lueur apparaît : un des copains viendrait-il à ma rencontre ? L'arrivant progresse paisiblement à la façon frogman, chaussé d'un unique bi-bouteilles. Nous nous croisons et nous saluons : je ne le connais pas. Je continue mon chemin et après quelques mètres, réalisant que mon éclairage n'avait sans doute pas gagné en intensité, je comprends qu'il me suit. Il a du faire demi-tour immédiatement après les 400 m. Peut après il me dépasse, moins encombré que moi. Je lui cède le passage afin de poursuivre à mon allure de sénateur. Finalement il semble ralentir, puisque l'écart se maintient d'une quinzaine de mètres environ. Cela m'offre le spectacle habituel - mais dont on ne se lasse pas - d'ombre et de lumière, de halos fluctuants qui se cachent ou se dévoilent au gré des circonvolutions de la cavité. Cela ne perturbe en rien ma solitude, juste il me semble que des feux follets me guident vers le soleil. Je le rattrape au passage de l'étroiture, puis il reprend de l'avance. Ou plutôt je traîne encore un peu plus ! Enfin j'atteins la vasque et monte dans la lumière du haut soleil de midi. Je rejoins mon camarade de hasard avec qui j'échange quelques impressions. Il s'avère qu'il s'agit de Goofy, un nom qui m'est connu par les forums spécialisés. J'accroche mes relais à la corde toujours en place et sort de l'eau. Ma plongée aura duré 1h35, que du bonheur.

Sans me déséquiper je me dirige vers mes camarades arrivés durant ma plongée. Je dis mon plaisir et ma satisfaction à Xavier et Baptiste. Xavier me suggère, plutôt que de poser les blocs, de me réimmerger directement au Goul du Pont pour attaquer le nettoyage. Je contourne donc la pile du viaduc pour changer de source. Je commence par le fond, juste au-dessus de l'étroiture, et procède par paliers en remontant. On m'a passé une filoche de plongée dans laquelle je récolte toutes les saletés jetées par des promeneurs indélicats. Les habituelles canettes et capsules de bières sont aujourd'hui dépassées par un nouveau déchet : les cahiers d'écoliers et leurs accessoires tels des tubes de gouache ou une paire de ciseaux... Le papier se délitant est souvent très dur à insérer dans la filoche, préférant se disperser. Tant bien que mal je fais une moisson conséquente et finit par sortir.
Je me change rapidement pour courir chercher une boulangerie ouverte, afin de casser la croûte. Le soleil tape dur et il y a moins de vent qu'hier : nous sommes relativement assommés. Après le repas nous nous partageons entre les 2 sources. Avec Xavier et Thierry Briolle qui nous a rejoint, nous retournons à la Tannerie pour démonter la cloche et ramener le fil de l'interphone. Je laisse la cloche aux deux autres pour m'occuper de dégager le fil tendu dans les recoins de la galerie - à l'écart de la cablette - et détacher les caoutchoucs qui le fixent ça et là. Je repars donc avec mes relais du matin toujours à 120 b, que je fixe cette fois sur le harnais que je me suis bricolé pour le portage à l'anglaise. Je me faufile dans la partie la plus étroite de la galerie, pour vérifier que rien ne coincera le fil quand viendra le moment de l'enrouler sur le touret laissé à l'extérieur. J'avance en rampant, me rapprochant progressivement du canyon. A un moment je constate que le fil passe sous un amarrage de la cablette, avant de courcircuiter la chicane. J'emprunte celle-ci pour contourner l'obstacle et, de l'autre côté, libère le fil amarré. Je sens alors une traction sur le fil. Probable que Michel, à l'extérieur, est venu voir s'il pouvait commencer à rembobiner. Le fil est rappelé et je crains que ce ne soit prématuré. Je vois venir la prise qui le termine et la pousse pour éviter qu'elle ne s'accroche. Je repasse la chicane aussi vite que possible pour accompagner la sortie du fil. Je commence à le lover sur mes 2 mains, me disant qu'en cas d'obstacle il sera plus aisé de faire passer le paquet que toute la longueur de fil. Tant bien que mal je rejoins la sortie, ainsi que Xavier et Thierry qui sont dans la vasque. Ils ont du passer derrière moi tandis que j'étais glissé dans la faille. Xavier me prend le paquet que j'ai porté et fait passer le fil par dessus le muret. En sortant la tête de l'eau je réalise que Michel n'est pas là. Les copains ont cru comme moi que Michel tirait, mais il s'avère que c'est le courant qui a emmené le fil ! Il forme maintenant un bel embrouillamini dans la cascade. Sortis de l'eau il nous faudra plus d'un quart d'heure pour démêler l'écheveau avec l'aide de Michel. Pendant ce temps les autres ont fini de nettoyer le Grand Goul, et nous pouvons bientôt penser à plier bagages. Thierry arrive un peu plus tard, car il s'est réimmergé pour une plongée ballade.
Après des adieux éplorés (en fait pour la plupart des "Au revoir", en attendant les journées au Durzon toutes proches), nous reprenons la route.

A bientôt les Gouls de Tourne.

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